Des silences sans rencontre
Au silence sidéral de ses images devrait s’imposer celui des mots, peu à propos face à tant d’énigmes sans autre clé que le ressenti immédiat, en un temps en suspens et hors normes.
Quand elle le peut, Annelies de Mey aime à présenter ses photos sous forme de projections accessibles par un tunnel obscurci, d’où elles captent d’une manière physique plus immédiate le regard du visiteur ainsi piégé. À l’Espace photographique Contretype, pareil dispositif paraît improbable et l’on n’y verra pas ses habituels tirages au palladium, qu’elle-même réalise; une technique ancienne, qiu connut ses heures de gloire avec les pictorialistes au tournant du siècle passé. Nul passéisme cepenedant chez elle, malgré la préciosité de ses épreuves, dont elle contrôle les tensions de gris, sourds et sombres. Une matière qui contraste avec le choix du lieu, ordinaire et pleinement abandonné des hommes. À Contretype cette fois, donc, des tirages à jets d’encre dont le velouté n’a rien à envier à l’antique procédé, variations autour d’images toujours sans titres ni lieu, et guère de dates.
Un théâtre sans acteurs ni scénario
Le lieu est pourtant d’une grande importance: une scène entrevue d’emblée, révélée et où rien ne manque ni ne doit être changé pour la prise de vue. Une attente qui participe du cheminement et du processus créateur. L’on n’est pas étonné de savoir Annelies de Mey sensible à l’univers de Dirk Braeckman; on l’est davantage quand elle dit tant aimer la photo de l’assassinat de John F. Kennedy par Lee Harvey. Quoique non: il y a chez elle, quel que soit le lieu - paysage de campagne, espace urbain déserté et glauque, pièce obscure et indéterminée -, l’impression d’être happé en un lieu du crime, dont on ne sait s’il a déjà été commis, ni qui en est ou sera la victime. Étrange sensation du piège séducteur sans doute destiné à se jouer de nous, à nous poursuivre sans jamais se révéler. Peut-être sommes-nous, in fine, l’unique sujet de l’image?